quinta-feira, 3 de dezembro de 2009

EDWARD LUDWIG

Rome est superbe à bien des égards. Ce mois-ci, outre ses habitantes farouches aux genoux bruns sous les robes vives, outre ses palais couleur de melon, ses contes des mille et une fontaines recouvrant d'un murmure éternel de jardin les lauriers et les cèdres, on peut voir deux films inattendus, sauvages, qui laissent comme une empreinte de serres derrière eux. Il s'agit de The Fabulous Texan et du Réveil de la sorcière rouge, d'Edward Ludwig. Nous connaissions déjà, et aimions, Sangaree, La Femme du hasard, Le Trésor des Caraïbes et surtout Jivaro, où un couple de dieux, Rhonda Fleming et Fernando Lamas, approchaient du bonheur avec l'aisance lente des barques. Il y a dans ces films héroïques une respiration tranquille, forte et d'une rare liberté au sein même des crises et des éclats. L'ellipse foudroyante et de longs silences mûrissant l'événement y tissent la trame d'une durée narrative en même temps que de réalité brute, où l'une et l'autre se complètent et se confondent. Il faut avoir vu John Carroll, dans l'eau jusqu'à mi-cuisses[1], mourir comme un sanglier après un dernier coup de boutoir fatal aussi au chasseur. Et de même, l'agonie de John Wayne dans son scaphandre empli d'eau[2], pendant que la mer engloutit plus profondément pour la seconde fois le vaisseau chargé d'or, extraordinaire naufrage sous la mer. Deux scènes qui sont un balancement de l'événement entre une position de rupture et une position d'équilibre, horlogerie savamment composée de silences au bout desquels le moindre craquement retentit comme le tonnerre.

Ces films à budget peu élevé donnent une impression de luxuriance: profusion de sentiments, d'événements, de lieux, brassés avec une maîtrisse de vieux conteur sous laquelle perce comme une inquiétude révélée par éclairs, moments aigus, lacération d'un visage ou d'un corps, qui confèrent une dimension différente à des oeuvres en apparence comparables à celles de Walsh ou de Dwan. Nous voudrions ici attirer l'attention sur un cinéaste presque totalement inconnu, et dont le petit nombre de films que nous avons eu la chance de voir justifient, chose peu commune, que pour s'enfermer dans une salle obscure, l'on quitte Rome et le soleil un instant.

1. Dans The Fabulous Texan.
2. Dans Le Réveil de la sorcière rouge.

MICHEL MOURLET

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