terça-feira, 17 de julho de 2012

LES AMBIGUÏTÉS DE LA VERTU
Par Bernard Eisenschitz

Allan Dwan l’a découverte, Raoul Walsh en a fait une actrice. Issue d’une dynastie de comédiens et comiques anglais, Ida Lupino tourne à dix-huit ans dans Her First Affaire avec Dwan, puis est amenée à Hollywood pour jouer Alice au pays des merveilles sous la direction de Walsh. Après quelques fous rires, il n’en est plus question mais ils sont amis et se retrouvent à la Warner Bros., où Walsh lui donne trois de ses plus beaux rôles (They Drive by Night/Une femme dangereuse, High Sierra/la Grande Evasion, The Man I Love) et fait d’elle une des actrices les plus énergiques et les plus émouvantes des années 1940. Chez Warner, Lupino se révèle comme actrice mais aussi comme tête de cochon, refusant les rôles qui ne lui plaisent pas et allant de suspension en suspension. A l’en croire, c’est Walsh qui lui a conseillé de changer d’emploi et de devenir réalisatrice. « Hors de mon temps de travail, j’ai beaucoup observé dans le département montage, le département décors, tout cela… grâce à Raoul (1). » De lui elle apprend à ne jamais perdre son calme avec un mauvais comédien. Sa préférence personnelle ira « à des acteurs qui n’ont pas été gâchés par des cours d’art dramatique. Ils ne sont pas forcément jeunes, on en trouve à tout âge. » Ayant quitté Warner dans l’après-guerre, elle se trouve dans la situation de bien des stars qui ressentent le besoin de respirer loin des studios et du code Breen d’autocensure. Productrice et coscénariste de Not Wanted, Ida Lupino devient réalisatrice lorsqu’Elmer Clifton, director en titre, est frappé d’une crise cardiaque. C’est le début d’une filmographie brève et dense : six films en cinq ans (avec un post-scriptum treize ans plus tard), et d’une petite production familiale (Emerald, puis The Filmakers) qui se consacre à des sujets de la vie quotidienne américaine sous ses aspects les plus modestes. (Pour information, Ida Lupino ne confirmait pas la rumeur selon laquelle elle aurait brièvement participé à la réalisation de la Maison dans l’ombre [Nicholas Ray, 1950-52], mais revendiquait le retournage de plusieurs scènes dans Jennifer [Joel Newton, 1953].)

On aimerait imaginer le personnage tourmenté de Walsh, Vincent Sherman, Jean Negulesco ou Ray faisant passer son univers à l’écran. Mais mieux vaut ne pas confondre les rôles et la réalisatrice – bien qu’à plusieurs reprises, elle fasse elle-même de ses films des relectures de ses rôles : le carriérisme familial et prolétarien de The Hard Way (Vincent Sherman) dans Hard, Fast, and Beautiful ; la cécité de la Maison dans l’ombre devenue surdité dans son premier film de télévision, Nr. 5 Checked Out (Recherché pour meurtre, 1956) ; la machination meurtrière et la folie de They Drive by Night dans un autre téléfilm, The Threatening Eye (Pas pour vos beaux yeux, 1964).

Ida Lupino, écrivait Jacques Rivette en 1963, « échoue complètement à raconter quelque histoire que ce soit : ses ruses sont si naïves, ses effets si démesurés, qu’ils touchent à contretemps. Son fort : le portrait, en quelques gestes, d’un personnage féminin, désarmé ou désarmant (…) Les infortunes de la vertu ? Mais plutôt ses ambiguïtés. » Au centre de ses trois premiers films, des personnages féminins dans des situations traumatiques – grossesse non voulue (Not Wanted), poliomyélite (que Lupino avait connue – dans Never Fear), viol (Outrage). Des jeunes filles crispées, maussades, victimes qui se punissent et s’isolent elles-mêmes. Ses personnages sont passifs, cèdent à leur sentiment de culpabilité ou d’échec. La maladresse de ses jeunes interprètes, auxquelles ou auxquels elle tenait tant, exprime aussi leur malaise dans la société où ils sont jetés, ainsi qu’une vision assez conformiste où une bonne décision suffit à tout résoudre.

Si elle s’est toujours définie comme une directrice d’acteurs avant tout, on peut être sensible à son oeil pour les extérieurs urbains – qu’ils soient photographiés par Henry Freulich, Archie Stout ou George Diskant. Le plus beau plan de ses films est peut-être le premier de tous, le générique de Not Wanted : La montée d’une jeune femme dans une rue en pente d’une grande ville, vision de quotidienneté américaine au terme de laquelle on devine l’égarement sur son visage en gros plan.

De fait, c’est peut-être un personnage central masculin, celui de The Bigamist, qui illustre le mieux le propos de la cinéaste sur des personnages passifs dans des situations inextricables. Edmond O’Brien (« dans le rôle du Bigame », annonce le générique) est un de ces personnages solitaires et vulnérables, aussi sympathique que possible, s’efforçant de préserver le bonheur de deux femmes à la fois et obtenant le résultat inverse tout en se mettant au ban de la société. Tout le monde a ses raisons, affirme une séquence après l’autre, mais elles ne vous laissent aucune chance ; et le trio d’acteurs (O’Brien, Joan Fontaine et Ida Lupino elle-même, pour la seule fois dans un de ses films) atteint par moments à une émotion rare. Le film se termine en suspens : la décision du juge ne sera pas connue.

Comme tous les réalisateurs et producteurs de son époque, Ida Lupino reste dans le cadre de l’industrie : son ancien courtisan Howard Hughes offre aux Filmakers les facilités et la distribution de RKO. Aucune remise en question de la société chez elle, mais parfois une perception sensible de celle-ci. Son cinéma entre dans le cadre de ce que Thom Andersen a appelé le « film gris » : un travail qui s’inscrit dans les conventions des genres, mais en tire une lecture plus critique de l’Amérique. Pour le meilleur, elle se trouve ainsi proche de ses contemporains Ray, Aldrich, Brooks ou Fuller. Dans un mouvement inverse, le traitement de ces sujets est bridé par un puritanisme croissant qui, s’il ne peut plus les écarter (la guerre a ouvert les yeux), en soumet le traitement à des limitations strictes. Entre le script de Paul Jarrico (bientôt blacklisté et producteur du Sel de la terre), refusé par Columbia, et la version tournée de Not Wanted, il n’est plus question de montrer un séducteur gosse de riche ou un patron cherchant à exercer son droit de cuissage. C’étaient peut-être des libertés dérisoires, mais elles disparaissaient pour une décennie. Le conformisme omniprésent des années 1950 imposait comme une évidence qu’il était malséant d’« aborder des sujets » s’ils n’étaient pas filtrés par un genre, policier de préférence. Mieux valait oublier l’aspiration de l’après-guerre à ouvrir d’autres espaces et d’autres réalités au cinéma, la richesse de sa génération fauchée par la chasse aux sorcières. Lupino elle-même a payé son tribut à l’esprit du temps avec un pur film de « red scare » : The Hitch-Hiker, portrait sinistre d’un tueur en série (l’expression n’avait pas encore été inventée), joué dans un registre monocorde par William Talman (à qui elle donnera un contre-emploi plus intéressant dans Nr. 5 Checked Out). N’y ont plus cours toutes les ambiguïtés qui faisaient l’intérêt des premiers films – et qui imprègnent alors les films d’Aldrich ou Don Siegel, compagnons de route de Lupino : l’autostoppeur, c’est l’inconnu donc le mal, il faut s’en tenir loin et le détruire comme un vulgaire extraterrestre.

A la fin de l’aventure des Filmakers, Lupino comédienne retrouve Fritz Lang – après un rendez-vous manqué en 1942 pour Moontide (la Péniche de l’amour, terminé par Archie Mayo) – dans la Cinquième Victime, où le cinéaste a engagé l’actrice qu’elle avait découverte, Sally Forrest. Et le scénario que Lang dirige ensuite, l’Invraisemblable Vérité, avait été à l’origine préparé pour les Filmakers. De plus en plus, elle se consacre à la télévision, se moulant dans les formules d’innombrables séries : son excellent Sybil, pour Alfred Hitchcock présente, ressemble plus à Suspicion qu’à ses propres films, et The Masks est un Twilight Zone typique, sans parler des Fugitif, Virginien, Incorruptibles et autres Thriller que nous n’avons pas vus, ou il y a trop longtemps. Elle ne réalisera plus qu’un film de cinéma, The Trouble With Angels : encore une fois son aisance avec les jeunes actrices, sa masculinisation voire militarisation de l’institution religieuse, se laissent deviner, mais tout juste, dans un enchaînement de sketches où deux gamines provoquent des catastrophes, calamiteuses mais toujours gentilles. Puis c’est la disparition de l’écran et de la vie publique, qui laisse d’elle, comme dernière image, celle d’un autre Twilight Zone,dont elle n’était que l’interprète : The Sixteen-Millimeter Shrine (Mitchell Leisen, 1959), belle variation en mineur sur Sunset Boulevard.

(1) B.E., Entretien avec I.L., Pacific Palisades, 11 avril 1983.

Remerciements à Damien Bertrand, Thom Andersen

quinta-feira, 12 de julho de 2012

domingo, 8 de julho de 2012

Dwoskin: el último cineasta, por Louis Skorecki

Dwoskin es inexplicable. Más allá del análisis, de la descripción, de la exégesis. Con una facilidad impertinente, inédita, realmente radical, excede las palabras estructuradas, inteligentes, inteligibles, que se podrían proferir sobre sus películas. Tanta precaución oratoria para llegar a esto: todo lo que quiero anunciar –sí, como una buena noticia, una sorpresa de última hora- es que la muerte del cine ha sido diferida momentáneamente y que queda todavía un cineasta.

Nos encontramos en un estado de supervivencia del cine en el que este no hace más que copiar, reproducir viejos modelos inoperantes (clásicos, hollywoodienses…)

Próxima etapa probable: vidiotización, diseminación de los efectos audiovisuales, desaparición del Cine como Arte/Comercio e, ineluctablemente, del público (entender: el público fundador, perverso, sentimental, etc.)

Pero sobreviene Dwoskin, con Outside In y todo se retrasa. ¡Ahora que mi teoría estaba acabada, lista para usar! Así que cambio editorial preventivo: “muerte del cine aplazada para más tarde. Stop. Dwoskin inventa todavía algo nuevo. Stop. ¿Ultimo cineasta o primero de un nuevo ciclo de renacimientos? Stop. No lo sé. Stop. Seguirá. Stop.”

Muy finamente Tesson describe (Cahiers du Cinéma n333) el burlesco profundo del cuerpo en desequilibrio, el cuerpo del actor/Dwoskin, todo ese arte que consiste en aplazar la caída, diferirla, provocarla. Repetición, dificultad, sufrimiento: recuerdo- una vez más- la discapacidad de Dwoskin: la polio, sus piernas no le aguantan, depende por lo tanto de la fuerza de sus brazos, de las muletas en las que se apoya – y de los otros- para seguir adelante. Ya está dicho. No hablaremos más de ello, a tal punto es cierto que la invalidez de Dwoskin, incluso si está omnipresente y en el centro de todo lo que filma, impide siempre ver en qué es ante todo cineasta.

Outside In describe encuentros, repeticiones, sueños. Un hombre seduce mujeres, habla con ellas, cae sobre ellas, las acaricia, las hechiza, les hace el amor ¿Qué amor? El que está hecho de complicidad, de repeticiones, de imaginario. Sueña que es un cineasta hollywoodiense, que cambia todo alrededor suyo, todas las relaciones: las fantasías se vuelven color carne, un color de realidad, una sensualidad viva. Nada más que amor, siempre, lágrimas retenidas, romance sentimental, melo en estado bruto. Lo anuncio ya: acaba bien.

Este resumen, completamente subjetivo, es forzosamente mentiroso. Si lo doy a pesar de todo es porque me parece que privándose del peso del sueño no se entiende nada de la invención dwoskiana. Una invención de cada instante. Así: dos dedos bailan, con una loca agilidad; retoman el baile de los panecillos de Limelight, con más emoción aún, más visrtuosismo –frenesí del ritmo inédito, cuya novedad asombra más que la referencia al original, enviando al espectador primario (ingenuo, sentimental) hacia un abismo de imaginario, un torrente de lágrimas no derramadas, una interioridad de la ficción que es propiamente aterradora. ¿Por qué? Porque ya nunca se ama tan fuerte en el cine.

¿Es impreciso? Cómo explicar que la invención está aquí en todas partes: en la luz (Godard, Garrel), en la risa nerviosa (Chaplin), en el horror sin nombre (McCarey, Lang), en el fuera de campo (Tourneur), en la sensación de una primera vez (Lumière)? ¿Que esta mezcla de risa, de lágrimas, de incomodidad atroz, distiende cada segundo de la película, cada metro de celuloide como ya nadie sabía hacerlo? ¿Cómo escribir que el público de cine se pone por una vez a reinventar la historia que nos propone el cineasta, a vivir con ella, de ella, como no se hacía desde los clasicismos de la prehistoria? No lo sé. Lo seguro es que el cine, aquí, por ultima (o primera) vez, sirve realmente para comunicar. Informaciones, emociones, historias. Por decirlo rápido y resumir, más vale decir: Chaplin+Godard. La risa y la búsqueda. Locura+Público. Prototipo. Fulgor, genio, retorno al origen. Es cierto que son demasiadas grandes palabras. Un poco huecas quizás. Falta una cosa: la película. Tras Rotterdam, tras Digne, Outside In espera. ¿Hasta cuando?

Louis Skorecki, Cahiers du cinéma, nº 338, Julio-Agosto 1982.

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